Extrait tranche de vie

Je vous propose un extrait d’une biographie que j’ai écrite pour une femme qui a souffert, entre autres, d’une grave dépression post-partum. Son prénom a été modifié afin de préserver son anonymat.

CHAPITRE 1

Une maternité en eaux troubles

Un deuil non surmonté

Je m’appelle Émilie, j’ai 45 ans, et il y a dix-sept ans, j’ai souffert d’une dépression post-partum sévère suite à la naissance de ma fille. Avant cette grossesse, j’étais déjà tombée enceinte quelques mois plus tôt, mais j’ai fait une fausse couche au bout de six semaines. Lorsque je suis retombée enceinte quatre mois après, je n’avais toujours pas fait le deuil de cette première grossesse. Je n’avais pas exprimé ma souffrance auprès d’un thérapeute, et j’ai ressenti beaucoup de tristesse pendant plusieurs semaines. J’aurais aimé attendre un peu, mais je sentais que mon mari, qui est plus âgé que moi, était pressé d’avoir un nouveau bébé. J’ai donc mis mes craintes de côté pour lui faire plaisir. Je pense qu’il n’avait pas conscience que pour moi c’était encore trop tôt, car j’ai fait cette fausse couche en décembre et je suis tombée de nouveau enceinte au mois de mai. Bien évidemment, j’étais heureuse d’attendre ce deuxième bébé, mais quand j’ai appris la nouvelle, je me suis sentie angoissée de le perdre, lui aussi.

Entre bonheur et doutes

Malgré tout, j’ai vécu une grossesse plutôt facile même si les médecins ont détecté un diabète gestationnel au bout de quelques mois. Les trois derniers mois de ma grossesse, j’ai commencé à avoir des insomnies. Je me posais également plein de questions, et je m’inquiétais de ne pas être à la hauteur une fois que ma fille serait avec nous. Mais je ne ressentais pas d’angoisse particulière.

Mon accouchement a été assez douloureux. Je n’ai pu voir la petite frimousse de mon bébé que dix-sept heures après le début du travail. J’ai accouché sous péridurale, et j’ai eu un petit moment d’anxiété lorsque les médecins ont émis l’hypothèse d’avoir recours à une césarienne si le travail n’avançait pas plus vite. Je m’en suis finalement sortie avec un accouchement par voie basse.

Lorsque j’ai vu ma fille pour la première fois, je me suis tout de suite sentie en totale connexion avec elle. C’était un beau bébé de 3,6 kg pour 51 cm. À la maternité, je n’ai pas ressenti le fameux baby blues que l’on confond souvent avec la dépression post-partum. Je ne me sentais pas du tout abattue ou angoissée, j’étais sur mon petit nuage.

Un mal-être insidieux

Lorsque je suis sortie de la maternité, mon mari a pu bénéficier d’un congé parental de quinze jours pour m’aider à récupérer et s’occuper de la petite. J’étais rassurée que l’on soit tous les trois pour nous adapter à cette nouvelle vie. Mais parfois, quand ma fille pleurait, je ressentais une sorte de pincement au cœur, de l’anxiété. En fait, j’avais l’impression qu’elle pleurait parce que je ne m’occupais pas d’elle correctement, et cela me faisait culpabiliser. Mais je me sentais bien malgré tout, j’étais soutenue par mon mari.

La situation a commencé à se compliquer lorsqu’il a repris le travail. À cette période, mes parents étaient également partis en vacances. Nous étions au mois de février, je ne pouvais pas trop sortir du fait du climat peu clément, et je me suis donc retrouvée seule face à ce petit être qui avait pleinement besoin de moi. Je devais être à la hauteur. J’ai commencé à mal dormir, je comptais trois heures de sommeil par nuit, tout au plus. L’allaitement m’épuisait et je perdais du poids. Je voulais sevrer ma fille, mais ma pédiatre me poussait à continuer parce qu’elle disait que c’était bon pour elle. Je désirais aussi arrêter l’allaitement parce que je crois que j’avais déjà compris que quelque chose de grave était en train de se diffuser en moi et que j’allais devoir être séparée de ma fille. Malgré tous ces ressentis, comme je voulais à tout prix être la maman parfaite, je faisais bonne figure auprès de mon entourage. Je m’habillais toujours bien, je souriais. Je n’avais pas le choix, je devais être irréprochable. Mais je n’étais que dans le paraître parce que lorsque je me retrouvais seule, je ressentais un gros mal-être.

Au bout de trois semaines, j’ai commencé à faire des crises d’angoisse et à avoir du mal à respirer. Lorsque je me levais chaque matin, je me disais en mon for intérieur : « Encore une journée où je vais l’entendre pleurer, et je ne saurai pas quoi faire pour l’apaiser. » D’un point de vue pratique, je m’en sortais très bien, je faisais ce qu’il fallait pour elle. Mais mon mental ne suivait pas. Je sentais que je n’étais pas heureuse comme j’aurais dû l’être. Je n’étais pas en conformité avec l’image idyllique de la maternité que la société nous renvoie : « La maternité est l’une des plus belles choses qui puisse exister, c’est un épanouissement, une vraie source de bonheur… » Non, malheureusement, je ne ressentais pas cela.

C’est une des raisons pour lesquelles je n’en ai parlé à personne pendant plus d’un mois. J’avais aussi très peur d’inquiéter mes parents et mon mari. Et surtout, j’avais profondément honte. Pourquoi est-ce que je ne ressentais pas toutes ces belles émotions que l’on nous décrit dans les livres, sur les réseaux sociaux… ? C’est évident, je n’étais pas normale.

Lorsque mon mari rentrait le soir, je lui faisais de grands sourires, je cachais les émotions qui me submergeaient pendant la journée. Il prenait sa fille dans les bras, il semblait tellement bien avec elle. Et moi, je ne ressentais pas ce bonheur.

Quand ma fille pleurait, je ne comprenais pas du tout ce qu’elle attendait de moi, je commençais à la considérer comme une étrangère. La situation se dégradait de jour en jour, je me sentais impuissante et plus du tout connectée à mon bébé. J’avais l’impression qu’elle pleurait énormément alors que ce n’était pas le cas. Mais je ressentais un tel mal-être que j’avais l’impression que ses pleurs ne s’arrêtaient jamais.

Une descente aux enfers

Au bout d’un mois et demi, j’ai craqué, et j’ai tout avoué à mon mari. Je n’en pouvais plus. J’avais tellement peur de mon état que je lui ai demandé de me faire hospitaliser. Je lui ai dit que je ne m’en sortais pas avec ma fille, que ses pleurs m’angoissaient, que j’avais l’impression de ne pas l’aimer. Je voulais m’enfuir de cette famille dans laquelle j’avais la certitude de ne servir à rien. Je me disais que mon mari se débrouillerait beaucoup mieux si je n’étais plus là.

Ma famille a d’abord fait le choix de m’emmener voir un homéopathe. Ce dernier m’a rassurée en me disant que je souffrais d’un simple baby blues et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Il m’a simplement donné des doses homéopathiques pour me calmer. Avec le recul, il n’a pas du tout vu la souffrance dans laquelle je me trouvais. Le lendemain, comme je me sentais toujours très mal, ma mère m’a emmenée à l’hôpital pour une consultation en urgence avec un psychiatre. Je lui ai dit que j’avais le sentiment de ne pas être à la hauteur avec ma fille. Il m’a envoyée dans un organisme spécialisé à Bourg-la-Reine en m’expliquant que je faisais une dépression post-partum nécessitant un suivi psychologique. J’y suis allée avec mon mari et ma fille. On m’a dit que c’était normal qu’elle pleure. Mais moi je ne dormais pas, je ne mangeais plus non plus, donc j’avais l’impression de sombrer dans la folie.

Les médecins m’ont donc prescrit des neuroleptiques pour calmer mes crises de panique, mais ces médicaments n’ont fait qu’aggraver mon état émotionnel le soir-même. Je ne me souviens plus exactement, mais j’avais l’impression de ne plus être moi-même. Nous étions en train de donner le bain à notre fille et pendant ce temps, je me disais qu’il fallait à tout prix que j’abandonne mon mari et ma fille parce qu’ils seraient beaucoup plus heureux sans moi.

C’est là que j’ai perdu pied. Ce soir-là, j’étais en train de manger ma soupe dans un état de confusion totale. J’ai cassé le bol dans lequel je mangeais, et je me suis coupé les veines. Je ne me souviens pas très bien de ce qui s’est passé ensuite, mais ma famille m’a raconté que mon mari, horrifié, avait téléphoné à mes parents pour leur dire d’appeler les pompiers pendant qu’il me retenait de faire une nouvelle tentative. Je vous laisse imaginer la terreur que chacun a pu ressentir à ce moment-là.

J’ai été hospitalisée au service de chirurgie orthopédique, car je m’étais sectionné un tendon. Ils m’ont donné un médicament pour me calmer. La nuit avant l’opération, ma sœur et mes parents sont restés pour veiller sur moi à l’hôpital, car le service dans lequel j’étais placée n’était pas en mesure d’assurer cette surveillance. Comme je souffrais de psychose puerpérale, je ne pouvais pas rester seule dans ma chambre. La psychose puerpérale est un trouble psychiatrique grave qui prend la forme de délires, de confusion mentale, et elle peut mettre en danger aussi bien la mère que l’enfant. J’avais donc besoin d’une prise en charge spécialisée. Comme j’ai été hospitalisée en urgence, ma fille a été sevrée du jour au lendemain. Je m’en suis tellement voulu de lui avoir infligé cela, j’ai eu le sentiment de l’abandonner.

J’ai été opérée le lendemain. J’avais une telle sensation d’être une mauvaise mère, une criminelle, car j’avais laissé tomber ma fille. Dans ma tête, j’étais quelqu’un d’horrible, j’étais cette mère dont on allait parler à la télévision et qui avait rejeté son bébé. J’étais persuadée qu’on allait me le retirer.

Deux jours après l’opération, j’ai été hospitalisée quinze jours à l’hôpital psychiatrique Erasme, à Antony, dans l’unité des adultes. Mon séjour n’était pas des plus faciles, car je cohabitais avec des personnes dépressives fortement atteintes (des schizophrènes, par exemple). J’avais l’impression de jouer dans le film Vol au-dessus d’un nid de coucou. Il m’était impossible d’être bien dans un tel endroit. Je me sentais très seule, j’avais l’impression d’être en prison, et je n’avais même pas le droit d’utiliser mon téléphone. J’étais à l’isolement dans une chambre, et je n’avais le droit de sortir que pour les repas. C’était au moment des fêtes de Pâques, tout le monde se retrouvait en famille, et moi, j’étais isolée.

Je me souviens que ma sœur est venue me voir au tout début. J’avais bien réussi à me confier à elle, à lui dire ce que je ressentais. Je lui disais que j’étais une mauvaise personne, que j’incarnais le mal. Quand on en a reparlé bien des années plus tard, elle m’a confié que j’avais fait une sorte de crise de boulimie pendant qu’elle était là, et que je ne m’en rendais même pas compte, j’étais dans mon monde. Il est vrai que la nourriture me permettait de soulager ma souffrance psychique.

Ici, les psychiatres m’ont expliqué que ma dépression post-partum était un phénomène normal lié à un déséquilibre au niveau du cerveau. Après quelques jours, j’ai commencé à avoir un peu moins d’idées noires, mais je continuais d’être très dure envers moi-même. Je pensais que je n’étais pas digne de vivre, j’étais une « saloperie. » Mon mari et ma fille venaient me voir, je la prenais dans les bras, mais j’avais toujours cette angoisse de m’occuper d’elle. J’appréhendais donc terriblement le moment où j’allais devoir sortir.

Au bout d’une quinzaine de jours, je me suis sentie un peu requinquée, mais je ne me sentais toujours pas de retourner à la maison. Il faut dire que dans cet établissement, je ne bénéficiais pas de thérapie spécifique à la dépression post-partum. Cet hôpital avait plutôt l’habitude de gérer des dépressions classiques. Cette situation était extrêmement compliquée pour moi, car avant cette histoire j’étais une personne très sociable, positive, et remplie d’humour. J’étais un peu anxieuse, comme beaucoup de gens, mais rien de bien méchant.  J’adorais lire et regarder des séries, alors que là, je ne faisais que ruminer. Quand cette dépression m’est tombée dessus, j’ai donc vraiment cru que je devenais folle. Comment était-ce possible de tomber aussi bas, et surtout aussi vite ?

Mes parents et mon mari m’ont trouvé une place au centre hospitalier Théophile Roussel, situé à Montesson. Il comporte une unité d’accueil parents-enfants (UAPE), qui prend en charge les femmes ayant des troubles psychologiques suite à la naissance de leur bébé. Ce centre ne compte que huit lits, et permet d’instaurer ou recréer le lien entre la mère et son enfant. Au début, je ne voulais pas y aller, mais j’avais tellement d’angoisses, et cette impression de ne rien ressentir pour personne me terrifiait. Je me sentais vide, morte intérieurement, triste, je n’avais plus le goût à rien. Je suis donc partie là-bas avec ma fille, et j’y suis restée trois mois.

Au début, je n’allais pas bien, les médecins me donnaient beaucoup de médicaments : des antidépresseurs, des anxiolytiques, des neuroleptiques qui me faisaient prendre beaucoup de poids. J’avais l’impression que cela me faisait plus de mal que de bien, mais ils parvenaient quand même à calmer mes plus grosses angoisses. Mes journées étaient rythmées par de la gymnastique, du yoga, des séances de thérapie avec mon enfant. Je voyais un psychiatre tous les jours, je pouvais ainsi me confier sur ce que je ressentais. L’équipe de soignants s’occupait de ma fille lorsque j’étais trop fatiguée. En fait, j’avais surtout envie de dormir parce que j’avais un très gros retard de sommeil dû à mes insomnies depuis mon accouchement.

Je vivais au milieu de mères qui avaient vécu la même chose que moi ou qui souffraient de pathologies bien avant la naissance de leur enfant. Je me comparais à elles, et je faisais des efforts pour faire les choses bien. Certaines mamans étaient déjà là depuis longtemps, donc elles progressaient. Comme j’étais arrivée dans le centre bien après elles, c’était très compliqué. J’avais peur d’être inférieure aux autres, de ne pas être capable, encore une fois. Je me sentais tellement handicapée, tellement diminuée. Je restais en pyjama toute la journée. Certains jours, l’idée même de prendre une douche me paraissait insurmontable.

Pourtant, j’étais entourée par mes proches. Mes parents et mon mari étaient très assidus dans leurs visites. Pendant cette période, j’ai vraiment eu des hauts et des bas. Parfois, je replongeais complètement. L’équipe de soignants m’autorisait à rentrer chez moi le week-end. Mais une fois, je n’ai pas pu parce que je n’arrêtais pas de pleurer, et j’avais peur de sortir. Tout me semblait compliqué, j’avais perdu toutes mes facultés à communiquer. Je ne m’imaginais plus du tout effectuer les activités les plus simples (faire les courses, prendre un rendez-vous…). Quand les médecins m’augmentaient les doses d’antidépresseur, il m’arrivait de me sentir très bien, j’appréciais le contact avec ma fille. Mais sinon, je n’avais envie de rien, je voulais simplement qu’on me laisse tranquille.

Je me souviens d’une fois où ma mère est venue me rendre visite avec mon grand-père sans me prévenir. Je lui en ai beaucoup voulu parce que je n’avais pas envie qu’il me voie dans cet état. J’étais mal à l’aise, j’avais honte, j’avais beaucoup de mal à m’exprimer. Je savais qu’à son âge, il lui serait impossible de comprendre ce qui m’arrivait. Qu’allait-il penser de moi ? Encore aujourd’hui, je ne sais pas si mes grands-parents avaient été mis au courant de tout ce qui m’était arrivé avant de finir dans ce centre.

Un retour progressif vers la lumière

Au bout de trois mois, je me posais encore beaucoup de questions sur mon aptitude à être mère, mais je me suis enfin sentie prête à sortir. C’était au moment des vacances d’été. J’ai trouvé une nounou formidable pour ma fille, j’ai commencé des séances avec un psychiatre en ville, et nous sommes partis quinze jours tous les trois chez des amis en province. J’en ai un très bon souvenir. Je vivais toujours des moments un peu difficiles, mais j’avais enfin le sentiment que tous ces troubles psychotiques étaient loin derrière moi. J’avais plutôt des petites baisses de moral, mais sans gravité.

J’ai repris le travail en septembre tout en bénéficiant d’un mi-temps thérapeutique. Je ne me rappelle plus vraiment de cette période, mais je sais que cela a encore été difficile pendant environ six mois. J’avais du mal à me motiver et à me concentrer lorsque je travaillais. Je fonctionnais au ralenti, cela était dû aux médicaments que je prenais. D’ailleurs, je ne me reconnaissais plus physiquement, car ce traitement m’avait fait prendre beaucoup de poids. Je vivais très mal ces transformations, j’avais le sentiment d’avoir totalement perdu ma féminité. J’étais aussi toujours angoissée de ne pas réussir à gérer le quotidien et de ne pas m’occuper suffisamment bien de mon bébé. J’avais  beaucoup de mal à me projeter dans l’avenir.

Ma sœur m’a dit qu’à cette période, je lui téléphonais tous les jours parce que j’étais très anxieuse. J’avais vraiment besoin d’être entendue et que l’on comprenne ma souffrance. Je m’angoissais pour des choses insignifiantes comme la manière dont je pliais la poussette, je n’osais pas emmener ma fille seule au parc de peur qu’il lui arrive quelque chose… C’était oppressant à la fin. De plus, mon mari commençait à vraiment souffrir de cette situation. Il avait l’impression que je ne voulais pas m’en sortir. Les gens qui n’ont pas vécu de dépression ne peuvent pas se rendre compte à quel point c’est difficile, et que même si nous souhaitons que cela cesse, la volonté ne suffit pas toujours.

Puis, au printemps, j’ai eu une sorte de déclic, j’en avais vraiment assez d’être constamment dans un état émotionnel fragile. J’avais aussi conscience que mon mari était fatigué de cette situation et souhaitait aller de l’avant. J’ai eu envie de me faire violence pour dépasser tout cela, de me libérer de mes blocages. Le fait que je me pousse un peu à aller de l’avant m’a vraiment permis de me sentir mieux.

J’ai commencé à faire plus d’activités avec ma fille. J’avais toujours un traitement médicamenteux, mais celui-ci était très léger, cela m’a vraiment permis de récupérer du dynamisme pour gérer le quotidien. Tout est rentré dans l’ordre petit à petit.

Aujourd’hui encore, je culpabilise de ce qui s’est passé. J’ai une relation tellement fusionnelle avec ma fille que je ne comprends pas comment cette dépression a pu me tomber dessus. Par conséquent, j’essaie de compenser en me rendant entièrement disponible pour elle. Je la gâte beaucoup, je fais de nombreuses activités avec elle pour rattraper le temps perdu. J’ai toujours ce sentiment de ne pas avoir été là pour elle après sa naissance. Même si elle va très bien, je sais qu’il lui arrive aussi d’avoir des angoisses sur les hôpitaux et la maladie. J’espère que ce n’est pas lié à ma dépression post-partum. Je ne parle pas facilement aux gens de ce qui m’est arrivé, c’est encore tellement tabou. Et lorsque j’entends un bébé pleurer, cela me touche encore profondément.

Avec le recul, je me dis aussi que si j’avais bénéficié de conseils de prévention pendant ma grossesse ainsi que d’un suivi dès la naissance de ma fille comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons (une sage-femme fait des consultations régulières à domicile), nous aurions peut-être pu éviter ce cataclysme. À aucun moment, on ne nous parle de dépression post-partum à la maternité. Ou bien était-ce aussi un problème de maturité ? Il est important de ne pas se mettre la pression pour faire un enfant. Je me rends également compte que j’aurais dû parler plus tôt de ma détresse psychique, mais comment faire alors que ce type de dépression est un sujet encore tellement tabou ? Et pourtant, environ une femme sur six en est victime. Je suis également une personne qui ne dévoile pas trop ses émotions, je pense que mon entourage n’imaginait pas un instant que cela puisse m’arriver.

C’est en participant à des forums ou en me rendant dans des associations dédiées à la dépression post-partum (association Maman Blues), que j’ai pu témoigner de mon expérience et surtout comprendre que j’étais loin d’être la seule à en souffrir. J’ai rencontré des femmes qui avaient vécu exactement la même chose que moi, qui ne supportaient pas les pleurs de leur enfant. Mais encore aujourd’hui, il existe trop peu d’accompagnements sur cette maladie.

Malgré tout ce qui s’est passé, ce qui est sûr, c’est que je n’aurais jamais pu faire de mal à ma fille, j’ai toujours voulu la protéger. C’est pour cette raison que je me suis fait du mal à moi, j’étais une mauvaise mère, je ne méritais pas de vivre, je pensais n’avoir aucun avenir, il fallait donc que cela s’arrête. Mais je sais que je ne voulais pas réellement mourir parce que je me suis blessée en présence de mon mari. C’était un appel au secours, je voulais que les gens comprennent que je n’en pouvais vraiment plus, et qu’il fallait passer à la vitesse supérieure. J’aurais voulu que mes proches me fassent hospitaliser dès le début. Je pense qu’ils avaient commencé à chercher, mais il est tellement difficile d’avoir de la place. Je sais que certaines mères qui souffrent de dépression post-partum violentent leur enfant, voire commettent un acte irréparable. Aujourd’hui, je ne les juge pas, car je sais à quel point leur souffrance est extrême.

Cette expérience m’a rendue plus forte, car j’ai été très entourée par ma famille. J’ai conscience qu’il est beaucoup plus difficile de reprendre le dessus lorsque l’on manque de soutien. Mais je n’ai pas encore entièrement digéré cet épisode de ma vie, car je n’ai jamais effectué de thérapie de fond. Je continue donc encore aujourd’hui à vouloir être la mère parfaite.

Lorsque je me suis relevée de cette dépression, je ne savais pas que quelques mois plus tard, un nouveau fléau allait s’abattre sur moi…

Vous souhaitez en savoir plus sur moi ?

Je vous invite à lire ma petite histoire. Cela ne vous prendra que quelques minutes !